Pistes de réflexion sur les défis économiques 6 : le transport
S’il est un domaine où le Maroc a réalisé des avancées notables, c’est bien le transport dans toutes ses composantes :
Les infrastructures ont bénéficié d’une mise à niveau d’envergure, aussi bien sur les grands axes que dans le maillage pour désenclaver les parties les plus reculées du pays bien que la traversée de l’Atlas, dans sa partie la plus accidentée, continue de poser problème et qu’elle mériterait d’ambitieux projets pour rapprocher la partie la plus orientale du pays des plaines côtières et de l’accès au réseau autoroutier en expansion permanente depuis deux décennies, d’autant que cette partie de notre pays peut difficilement se projeter dans le développement avec les contrées limitrophes de notre voisin direct en raison de la situation qui prévaut depuis plus de vingt-cinq ans maintenant.
Les dispositions légales et réglementaires ont mis plus en adéquation la responsabilité des transporteurs avec celles des chargeurs pour moraliser les pratiques dans le secteur organisé, même si la réglementation et les démarches pour obtenir des autorisations de transport de marchandises formulées, pour une ou deux unités, par les personnes physiques se heurtent toujours au refus de l’administration de tutelle, ce qui a versé dans l’informel de très nombreuses unités de transport au moyen de véhicules dont le maintien par les autorités de tutelle dans des sous-catégories engendre une situation de non droit et expose les citoyens et leurs biens à des risques bien inutiles.
Le transport urbain s’est modernisé et deux grandes villes bénéficient de réseaux de tramway modernes, en site propre, ce qui a, toutefois, réduit la mobilité individuelle et compliqué la gestion de la circulation dans ces villes mais, également, la maintenance de la voirie. Par ailleurs, le transport par taxis continue de végéter dans cette situation de non droit et la dualité du mode d’exploitation entre petits et grands taxis même si ces derniers se modernisent à une cadence plus importante que les petits taxis, les deux types bénéficiant d’incitations intéressantes des pouvoirs publics.
Le réseau de transport aérien est bien développé, aussi bien à l’intérieur du pays que hors de nos frontières pour les destinations traditionnelles aussi bien que vers des horizons lointains les mettant plus à la portée des nationaux ou, plus particulièrement, vers l’Afrique ce qui a transformé l’aéroport Mohammed V de Casablanca en hub africain, tous ces éléments étant propices au développement des échanges avec les destinations desservies. Le bémol à cela reste le coût du transport aérien qui est, relativement, beaucoup plus onéreux que sur les réseaux d’ailleurs de mêmes caractéristiques.
Le transport maritime reste le parent pauvre du secteur dans sa globalité en raison du manque d’investissements et d’incitations étatiques. Il est vrai que le niveau d’investissements nécessaires dans cette activité est considérable et la nécessité de plein emploi des unités est largement tributaire de la conjoncture pour des investissements récents et non protégés par une politique étatique donnant la préférence à l’armement national. Les liaisons avec l’autre rive de la Méditerranée ont attiré, au cours des années, plusieurs investisseurs nationaux mais ils supportent difficilement la concurrence des conglomérats du transport maritime en ferries, spécialisés et pouvant redéployer leur flotte à diverses périodes de l’année entre différentes liaisons en fonction de la demande.
Cependant, le transport au Maroc souffre de maux auxquels les différents gouvernements n’ont pas su apporter de réponses efficientes en raison de l’archaïsme de la réglementation, de l’inertie des décideurs pour préserver des privilèges attribués à certaines catégories de personnes ou par insuffisance de ressources budgétaires.
Malgré les performances susmentionnées du transport, ces dernières sont partiellement annihilées par une politique logistique hésitante, mal organisée et disséminée dans des zones inadéquates, soit trop en profondeur dans le tissu urbain soit dans des périphéries excentrées et sans lien direct avec le réseau autoroutier. Cela concerne le transport par route de marchandises mais une mutualisation bien pensée de la logistique entre le transport de personnes et celui des marchandises permettrait, surement, des économies d’échelle et de temps substantielles, en installant ces zones à des points nodaux dans la périphérie des grandes villes, ce qui assureraient une meilleure circulation des biens et des personnes de et vers les centres villes au moyen de réseaux spécifiques de maillage et de distribution pour répondre aux besoins différenciés des usagers des centres villes et de ceux des urbanisations périphériques selon des schémas plus adaptés et plus légers en coûts d’exploitation tant nous avons assisté à des cycles de renouvellement et de dégradation des modes de transport urbain en raison de cette inadaptation.
Plus encore, alors que dans les deux agglomérations les plus représentatives du pays, la capitale politique et administrative et la capitale économique, des lignes de tramway ont été réalisées et mises en exploitations, il n’a pas été procédé au redéploiement des réseaux de transport par autobus pour harmoniser l’exploitation des deux modes de transport en même temps que l’intermodalité tarifaire tarde à voir le jour ou est encore balbutiante.
Enfin, nous n’avons pas encore pu nous débarrasser de ce vieux réflexe de facilité, durant les périodes charnières du passage d’un ou plusieurs exploitants à un autre de transport urbain, de recours au matériel de transport usagé, sorti de l’exploitation des pays du nord en raison de dispositions légales et réglementaires dont le but est la sécurité des usagers, à titre provisoire en attendant la livraison des nouvelles flottes, provisoire qui peut persister durant toute la durée du contrat. C’est une insulte grave faite à nos citoyens de considérer qu’ils peuvent être transportés dans des véhicules qui n’ont plus le droit de transporter les usagers des pays du nord. Le cynisme est encore plus horrible lorsque l’on sait qu’il est interdit d’utiliser des véhicules de plus de dix ans pour le transport des touristes ………. au Maroc. En tout cas, il est urgent que des mesures soient prises pour le rajeunissement du parc roulant commercial, tous modes de transport commercial confondus pour garantir la sécurité des usagers mais également pérenniser les modes de transport et la durée de vie des entreprises du secteur.
Saâd Raïssi
Le 12 mai 2020